Dimanche 11 novembre 2018, comme depuis des dizaines d’années, les habitants de Villers-Allerand Montchenot étaient invités à se rassembler devant le Monument aux Morts à 11h.

Un centenaire cette fois. 1918-2018, 100 années écoulées depuis l’armistice signant la fin d’un des conflits les plus meurtriers de notre histoire.

L’occasion de rendre hommage aux hommes qui ont combattus, aux familles meurtries, aux orphelins … mais aussi l’occasion de maintenir cette page d’histoire dans nos esprits, ne pas oublier, ne pas reproduire, combattre l’intolérance pour maintenir la Paix, pour nos générations et les générations futures.

Les cloches sonnent à toute volée, en ce 11 novembre 2018, appelant les habitants à se rassembler.

Monsieur Spillebout, ancien combattant, est notre porte drapeau, nous le remercions.

Didier De Amorin ouvre la cérémonie par la lecture du message de Président de la République (document à votre disposition en bas de page)

Monsieur le Maire invite ensuite Lola Belotti, élève de 3ème au Collège La Source, à venir exposer son point de vue sur la guerre, puis Baptiste Brasselet et Anaïs Antonelli interviennent, par la lecture d’un poème.

Monsieur le Maire remercie leurs enseignants, Mme Nathalie Deprey et Mme Dessoye pour les avoir encouragés à participer et soutenus dans cette démarche.

Discours de Monsieur de le Maire de Villers-Allerand Montchenot, Wily Dubos :

100 ans déjà. Quel anniversaire !!

Allons-nous souffler des bougies sur un gâteau ?
Trop de morts 8 millions, d’estropiés 6 millions, trop d’injustice, trop de casse, pour faire la fête !

Non, nous commémorons. C’est un devoir de mémoire essentiel. Une façon de dire à nos ainées et ainés qu’on se souvient et respectons leur engagement.

Pour les survivants, ils en étaient à leur 5ème été de conflit alors que commençait la seconde bataille de la Marne. C’est la victoire qui a permis aux Alliés de reprendre une grande partie du terrain perdu, terrain pour qui, on s’entretuait pour 1cm2.

Avec 100 ans de recul, parler sans nuance de Victoire n’est plus possible.

En Allemagne, vivre en 1918, c’est une question de pomme de terre et de viande. La misère est grande. Les revers militaires ont raison de la volonté combative des allemands. Les voilà face aux échecs de l’automne 1918. Les boîtes de viande contiennent plus d’eau que de protéines animales. On les remplace par des herbes sauvages. La masse du peuple souhaite que la guerre se termine.

Quand les troupes allemandes se retirent elles effectuaient de monstrueuses destructions derrière elles, voies minées, rails arrachés, routes et maisons détruites, destructions d’usines. Les alliés s’en souviendront lors des négociations de Paix.

Coté alliés, la population a faim elle aussi, sa lassitude est grande, L’armée en a assez. Foch soutenu par Clémenceau et Pétain veut en finir rapidement. Il pousse les troupes à adopter une attitude offensive.  Il reste encore des millions de soldats qui s’affrontent.

Voyons la chronologie des derniers jours :

Dès le 28 septembre le général en chef des armées allemandes

Lundendorff frappé par les nouvelles catastrophiques reçues du front bulgare demande la paix.

Le 29 sept à Spa les allemands demande l’armistice On souhaite négocier un accord dans les meilleures conditions.

Le 4 octobre 1918 la demande d’armistice arrive à Washington. Le gouvernement allemand sollicite le président américain Willson de prendre les choses en main pour le rétablissement de la Paix.

Voici donc en marche la préparation de l’Armistice, après les signatures d’autres traités de paix, d’autres armistices de cette guerre

-la Paix de Brest-Litovsk le 3 mars 1918 qui libère les russes du conflit, et qui a abouti à la vassalisation de la Pologne des Pays Baltes et de l’Ukraine au profit de l’Allemagne.

– le traité de Bucarest le 7 mai 1918 qui fait de la Roumanie une dépendance économique de l’Allemagne.

– le traité de Batoum le 4 juin entre l’Arménie et l’Empire Ottoman.

Le 29 septembre l’armistice de Théssalonique avec la Bulgarie,

L’Armistice de Moudros le 30 octobre avec la Turquie

Le 3 novembre armistice de Villa Guisti près de Padoue qui a marqué la fin des hostilités entre l’empire austro-hongrois et la triple alliance

Et les négociations ont été rudes.

Le vendredi 8 novembre au matin le convoi de la délégation allemande en train atteint une clairière située à 2 Kms de Rethondes en forêt de Compiègne. Le train franco-anglais de Foch, Weygand mais sans américain, arrivé la veille est sur une autre voie.

A 9h l’entrevue a lieu. Foch dit à Matthias Erzberger homme politique et journaliste allemand, le civil présent autour de cette table de militaires :

« Je n’ai pas de proposition à vous faire. Que voulez-Vous ? » dit Foch 

« Je demande purement et simplement l’armistice « répondra Erzberger.

On ne suspend pas le combat, l’arrêt des hostilités ne pourra intervenir qu’après la signature du texte de l’Armistice. Les allemands ont 72 heures de réflexion pour ce texte de 16 pages.

En novembre 18 la révolution se déclare en Allemagne de Kiel Lubeck Altona Brême Hambourg Frankfort Stuttgart.  Le Kaiser Guillaume 2 renonce au trône. Cette révolution met fin aux dernières réticences des vaincus.

L’armistice est signé à 5h 10 du matin avec une entrée en vigueur à 11 heures. Les cloches sonnent, les larmes coulent, les Marseillaises s’entonnent. Et on le comprend bien.

La rigueur des conditions imposées aux allemands risque d’entrainer famine et anarchie dit Erzberger.

Le 11 Novembre ne marque pas tout à fait la fin de la guerre.

Après l’armistice vient le temps des traités

En 1919, trois traités de paix sont signés :

-celui de Versailles avec l’Allemagne (le 28 juin),

-celui de Saint-Germain-en-Laye avec l’Autriche (le 10 septembre)

-celui de Neuilly-sur-Seine avec la Bulgarie (le 27 novembre).

Le 28 juin 1919, Les représentants de l’Allemagne doivent signer sans négociations possibles le traité de Versailles dicté par les vainqueurs. Il sera promulgué en janvier 1920.  Le lieu de la signature du traité permet à la France d’effacer symboliquement l’humiliation de la défaite lors de la guerre franco-allemande de1870. C’est en effet dans la même galerie des glaces au Château de Versailles, qu’avait eu lieu la proclamation de l’Empire allemand le 18 janvier 1871.

Pour éviter une autre guerre, les vainqueurs créent la Société des Nations (SDN).

Ceux- ci se partagent toutes les colonies allemandes et exigent de lourdes réparations financières. C’est la fin de l’empire austro-hongrois, l’Allemagne est déchirée, mise à genoux. La Russie est exclue du traité. Les USA ne ratifieront pas ce traité, considéré par le congrès comme un nouvel appel à la guerre. Le Congrès empêche ainsi les États-Unis de siéger à la SDN. Cela marque le retour de l’Amérique dans l’isolationnisme.

Deux traités sont signés en 1920 : le traité de Trianon avec la Hongrie (le 4 juin) et le traité de Sèvres avec la Turquie (le 10 août).

Et d’autres conflits directement liés à la Grande Guerre éclatent aussitôt, notamment en Europe de l’Est.

En France, les poilus mobilisés ne retournent pas immédiatement à la vie civile. « La démobilisation s’effectue en deux phases ». 5 000 000 d’hommes retournent à la maison de novembre 1918 à début 1920.

Depuis le 11 novembre 1918 vous le savez bien les combats, les guerres n’ont pas cessé.

1939-1945, était en germe dans cet armistice de 14-18 et dans le traité de Versailles,

Et depuis 1945 les terrains d’intervention, sont multiples. On les appelle guerre ou assistance, mais ils sont hors de notre sol citons :

Indochine, Algérie, Kossovo, Gabon, Soudan, Chypre, Iran, Yougoslavie, Mali, Côte-d’Ivoire, Sierra Léone, Lybie. Puis plus dernièrement Irak, Syrie, Centre-Afrique, Sahel

Ce qui change ce n’est pas le malheur, il continue d’être partagé. Les morts aujourd’hui ne sont plus les militaires en très grande majorité. Aujourd’hui ce sont les civils à 80%.

Les techniques ont tellement changé que cette grande guerre fait figure, de triste ancêtre, qui a elle aussi été le champ d’application des nouvelles technologie, l’aviation en particulier.

La paix recule ou plutôt la guerre se rapproche quand se renforce la haine de l’autre et que ne s’installe plus la volonté de vivre ensemble et de construire un monde de respect. Sachons saisir tous les opportunités. N’oublions pas que nous avons un outil qui s’appelle l’Europe. Ne le galvaudons pas, A nous d’en faire un instrument une machine dans laquelle chacune, chacun y trouve une vraie place

Devant ce monument aux morts, inclinons-nous devant tous ceux qui y ont leurs noms inscrits et rendons hommage à tous ceux qui qui ont défendu leur patrie et donné leur vie ou une partie de leur vie dans leur fort engagement.

Wily Dubos.

 

 

Texte préparé et lu par Lola Belotti :

Nous sommes réunis ce jour en mémoire des nombreux soldats tombés au front. On m’a demandé d’écrire un texte pour que je parle de mon ressenti vis-à-vis de la guerre.

J’ai toujours été indifférente face à la guerre, sans trop savoir toutes les horreurs qu’elle dissimule.

Avant, je venais à la cérémonie et j’écoutais les discours, j’entendais les noms des soldats accompagnés d’un « mort pour la France ». J’attendais dans le silence pendant une minute sans trop savoir à quoi cela correspondait.

Aujourd’hui, je viens sur cette place et je sais un peu plus de choses sur l’histoire de ces soldats. J’ai encore du mal à m’imaginer ce qu’ils ont pu vivre pendant ces quatre années, je crois d’ailleurs qu’il me sera impossible de m’en rendre totalement compte !

Il m’est déjà arrivé de me mettre dans la peau d’un soldat ! Je suis incapable d’imaginer quitter ma famille, partir au front, vivre avec cette peur constante.

Me poser la même question chaque jour « Quand-est-ce-que je tomberai ? ». Sympathiser avec d’autres soldats pour les voir mourir quelques instants plus tard. Vivre entourée de cadavres, dans la boue, le froid, les intempéries. Le bruit des coups de feu, des bombardements toute la journée, porter 30 kilos d’équipement.

Peut-être même vivre blessée, avec des plaies inimaginables, avoir des séquelles importantes, être défigurée pour hériter du surnom de « gueule cassée ».

En venir à tuer un ennemi contre ma volonté, et vivre avec une, voire plusieurs morts sur la conscience !

Si je suis père de famille et que j’ai la chance de rentrer chez moi, comment retrouver une vie normale après cela ? Si je reviens défiguré, comment le vivra ma famille ? Imaginez-vous des enfants regarder chaque jour leur père, avec peut-être, un nez en moins, un membre en moins, un sourire en moins ?

Si je suis une femme, voir mon mari me quitter, me demander chaque instant s’il va bien ? S’il reviendra un jour ? Attendre sa lettre avec impatience. Devoir éduquer nos enfants, seule, en leur disant de ne pas s’en faire, que leur père reviendra, sans en être sûre ! Vivre avec trop peu de nourriture, aller au champs pour assurer nos revenus devenus insuffisants. Voire les prix des aliments augmenter et les portions diminuer !

4 ans ! Ce n’est pas 4 heures de combat, 4 jours de combats mais bien 4 années. Dit comme cela ce n’est qu’un chiffre, on ne se rend pas forcément compte. Pour moi, 4 années ce n’était pas trop important, alors on m’a demandé de les comparer à des années scolaires. Je me suis rendue compte à quel point c’était long, parce que cela correspond à toutes les années de collège !

La guerre aujourd’hui n’est pas la même qu’il y a un siècle ! Maintenant, nous avons des armes beaucoup plus dangereuses.

Ce dont je ne me rendais pas compte, c’était la vie des soldats ! Il y a beaucoup de jeux vidéo sur la guerre. Dans ces jeux, il est difficile de se rendre compte d’une vraie guerre, le personnage incarné ne possède pas une seule vie mais plusieurs ! On peut rejouer autant de fois que l’on veut.

Les soldats n’ont joué qu’une fois et ils ont perdu leur seule vie !

 

Rendons aujourd’hui hommage à toutes les victimes en déposant une gerbe, l’appel aux morts suit, énoncé par Jean-Marie Chappellet, Didier De Amorin et Dominique Pateiron. À la demande du Président de La République, citons ces 3 soldats, décédés cette année, lors de l’exercice de leur fonction :

Adjudant Émilien MOUGIN, 1er Régiment de Spahis, mort pour la France au Mali, le 21 février 2018,

Maréchal des Logis Thimothé DERNONCOURT, 1er Régiment de Spahis, mort pour la France au Mali, le 21 février 2018,

Caporal Bogusz POCHYLSKI, 2ème Régiment d’Infanterie, mort pour la France en Irak, le 21 Mars 2018.

Une minute de silence est observée,

Les enfants présents, scolarisés à l’école Maternelle Roger Garitan, mais ceux aussi de primaire, ont entonné La Marseillaise, accompagnés par leur enseignante Maryvonne Leclere, ainsi que par l’ensemble des personnes présentes.

 

La cérémonie touche à sa fin.

Le verre de l’amitié est ensuite offert à tous, l’occasion d’échanger sur cet hommage et sur cette guerre.

Monsieur Ribaille, fils de Maurice Ribaille, Maire de Villers-Allerand Montchenot il y a plus de 20 ans, a profité de ce moment pour partager son histoire familiale, avec des photos et documents concernant son aïeul Marcel Ribaille, décédé le 18 octobre 1915 des suites de blessures de guerre. Nous l’en remercions chaleureusement.

 

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